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Un voyant prodigieux : Alexis Didier.

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“Un voyant prodigieux : Alexis Didier (1826-1866)”

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Présentation par l'auteur

Dans Somnambulisme et médiumnité, paru en 1999 aux Empêcheurs de penser en rond, je m'étais efforcé de décrire la guerre qui opposa, pendant près de cent cinquante, le magnétisme animal, à l'institution médicale, et, de façon plus générale, à la science et à la philosophie dominante. Le nouveau livre que je propose à votre attention ( Un voyant prodigieux, Alexis Didier (1826-1886), paru chez le même éditeur) examine un moment particulièrement significatif de cette histoire. Je m'y penche sur la vie et sur les pouvoirs d'Alexis Didier, dont on a dit, le jour de ses obsèques, en 1886, qu'il fut “le plus grand clairvoyant des temps modernes”.

L'histoire débute en 1842, au moment où l'Académie de médecine décide de se fermer à l'étude des phénomènes somnambuliques. Cette décision clôt une vingtaine d'années de débats et de verdicts contradictoires; en effet, en 1831, une première commission officielle, dirigée par le docteur Husson, avait conclu, après six ans de travaux, à la réalité des phénomènes magnétiques. Une nouvelle commission, noyautée cette fois par des sceptiques, et dirigée par Dubois d'Amiens, avait entrepris de revenir sur ce scandaleux verdict, et de démontrer l'inanité des pouvoirs somnambuliques. La discussion s'était concentrée sur la lecture à travers les corps opaques. Faute d'un accord sur les protocoles, la plupart des expériences prévues n'avaient pu avoir lieu; mais les antimagnétistes, majoritaires au sein de l'académie, avaient saisi l'occasion pour exiger qu'en en finisse avec ce sujet et obtenu gain de cause en 1841.

Cette exclusion officielle contraint le magnétisme à une sorte de semi clandestinité; les médecins persistant à le pratiquer le font au risque de leur carrière et de leur réputation. Il sont donc rares, et très motivés; ils se recrutent chez des praticiens qui affichent une sorte de dissidence par rapport à la médecine officielle. Mais la clôture officielle de l'Académie n'entraîne pas, il s'en faut, le déclin du magnétisme. Bien au contraire, ce dernier passionne, plus que jamais, les gens cultivés, pour les problèmes philosophiques qu'il soulève, pour le demi-jour qu'il apporte sur la physiologie et la psychologie. La science ayant déclaré forfait, ce sont des écrivains, des philosophes, des juristes, des artistes, qui prennent le relais.

C'est alors qu'entre en scène un jeune homme de seize ans qui va pousser la voyance magnétique - et peut-être même la voyance en général - à un niveau qu'elle n'avait encore sans doute jamais atteint. Les performances du somnambule sont telles qu'à les lire même les personnes les mieux disposées sont tentées par l'incrédulité. Alexis lit dans les consciences comme dans un livre. Il se porte à distance, sur une cible qu'on lui indique, pour en ramener des informations précises et vérifiables. A partir d'un objet ayant appartenu à une personne, il raconte l'histoire de cette personne, et descend dans des détails biographiques d'une précision inouïe. Il pratique le diagnostic médical, même à distance, à partir d'une mèche de cheveux. Il mine avec son corps les scènes auxquelles il assiste. Il a des aperçus sur des évènements passés ou futurs...

Alexis convainc de ses pouvoirs des écrivains, des juristes, des philosophes, et même des médecins réputés, particulièrement en Angleterre, où il se rend à plusieurs reprises pour des séries de démonstrations données devant des publics de la haute aristocratie et de l'élite médicale. Partout, ses prestations déchaînent les passions et les polémiques. Le somnambule se pense investi d'une mission: démontrer, contre le matérialisme montant, la spiritualité de l'âme, sa capacité à transcender les bornes du temps et de l'espace. Il se donne tellement à cette tâche qu'il ruine une santé fragile, ce qui le contraint à se retirer vers la trentaine, une fois fortune faite.

Or, par un hasard qui n'en est pas tout-à-fait un, malgré la vogue actuelle des ouvrages sur la voyance, ce voyant n'avait encore jamais fait l'objet d'une étude approfondie. Mon enquête se propose de combler cette lacune. Elle se déploie en trois niveaux.: un niveau biographique : je raconte de ce personnage hors du commun, ainsi que les exploits qu'on lui attribue. Un niveau historique et anthropologique: je replace la saga d'Alexis dans son temps et dans l'histoire. Un niveau parapsychologique, enfin: je passe au crible les récits de séance, j' examine toutes les hypothèses, pour conclure à la forte probabilité que les pouvoirs attribués au jeune somnambule étaient bien réels. Enfin, pour conclure, j'examine les conséquences philosophiques assez dévastatrices qu'il faudrait tirer de ces faits s'ils étaient bien réels.

Mon travail repose sur un corpus de séances de près de 350 pages (dont environ 200 que j'ai traduites de l'anglais) qui seront données prochainement, soit dans un deuxième tome, soit sur cédérom. Je crois pouvoir affirmer tranquillement qu'il existe très peu d'études aussi fouillées consacrées à un voyant.

Bertrand Méheust
le 23/06/2003
SOMMAIRE
Prologue
“Le plus étonnant somnambule lucide des temps modernes”
  • PREMIÈRE PARTIE : La saga d'Alexis racontée
    • I. Portraits
      • Les frères magnétiques
      • Jean-Bon Marcillet, le hussard du magnétisme.
    • II. La vie publique d'Alexis
      • Quelques mises au point préalables
      • L'affaire Gurwood (novembre 1842)
      • Débuts en fanfare dans le monde, première tournée et engouement britannique (1843)
      • La conquête de l'Angleterre (juin 1844)
      • Les séances de Châteauroux (avril 1845).
      • Une tournée en Normandie (août 1845)
      • Une année de relâche (1846)
      • L'apothéose (1847)
      • Alexis et le général Cavaignac (décembre 1848)
      • La dernière tournée de démonstrations (Brighton, 1849)
      • Le métier de somnambule
      • Alexis dans la presse parisienne, ou les débuts de la légende dorée
      • L'affaire de la duchesse de Séville et le procès d'Alexis (1852)
      • Dernières consultations privées (1851-1855)
    • III. Le retrait d'Alexis
      • Conjectures sur l'effacement du somnambule
    Fin de partie
  • DEUXIÈME PARTIE : La saga commentée
    • I. Alexis éclairé par l'Histoire
      • Les arrière-plans du somnambulisme magnétique
      • Position de Marcillet dans le magnétisme du XIXe siècle : ses méthodes de fascination
      • Singularité d'Alexis dans l'histoire de la divination
    • II. Alexis éclairé par son temps
      • La promesse de l'aube
      • Le magnétisme victorien, toile de fond de l'expédition de juin 1844
      • Les entourages d'Alexis
    • III. Alexis éclairé par la littérature
      • Alexis, héros balzacien
      • Alexis et Alexandre Dumas
      • Alexis, Baudelaire et la “perception auratique”
      • Alexis, détective transcendantal
    • IV. Analyses complémentaires
      • Robert-Houdin a-t-il expertisé Alexis et reconnu ses pouvoirs?
      • Retour sur un secret de famille, ou la conspiration du silence
      • Retour sur le procès d'Alexis (décembre 1852)
      • La part de l'ombre : Alexis et ses critiques
      • Alexis par lui-même?
  • TROISIÈME PARTIE : La clairvoyance d'Alexis passée au crible
    • I. Discussions préalables
      • La réalité de la clairvoyance magnétique est-elle un objet pensable pour l'historien?
      • Alexis a-t-il été étudié par des historiens?
      • De quels matériaux dispose-t-on pour mener à bien une telle enquête ?
    • II. Questions posées au dossier
      • L'état de conscience d'Alexis est-il simulé ?
      • Peut-on rendre compte du merveilleux alexien par un simple mécanisme de concrétion légendaire?
      • Le merveilleux alexien naît-il après coup de la mise en récit de séances réelles mais banales?
      • Voyance basse, moyenne et haute: quels sont les critères de la voyance vraie?
      • Alexis découvrait-il les informations en faisant parler ses consultants et/ou en captant des indices infraverbaux?
      • Le bandeau utilisé pendant les séances était-il opaque?
      • Alexis était-il un prestidigitateur?
      • Examen d'un cas. Peut-on rendre compte du rapport du révérend Townshend à travers les hypothèses précédentes?
      • Alexis disposait-il de comparses et d'informateurs?
      • Peut-on imaginer une synergie de toutes les hypothèses réductrices?
      • Peut-on, finalement, parler d'une légende dorée d'Alexis, et jusqu'à quel point?
    • III. Les processus de la clairvoyance alexienne analysés pour eux-mêmes
      • La mise en rapport
      • Paradoxes de la lucidité magnétique: entre la vision brute et le labyrinthe du sens
      • Le cheminement vers la cible
      • La question de l'aide
      • Portée heuristique des erreurs ou des demi-succès
      • Le problème des “sceptiques inhibiteurs”
    • Épilogue
    • Les enjeux de la divination
    • Index des noms
Présentation de l'éditeur

Ce livre propose une nouvelle manière de comprendre et de rendre compte des phénomènes magnétiques et de voyance qui intriguent tant le public. En 1842, Alexis Didier, à peine âgé de 16 ans, commence à stupéfier ses contemporains par ses dons de clairvoyant magnétique : on vient déjà de Londres pour consulter le jeune prodige. Il concentre sur sa personne tous les dons que l’on attribue aux somnambules magnétiques : diagnostic médical, perception des pensées d’autrui, vision à distance ou à travers des corps opaques, lecture dans des livres fermés, perception épigastrique, et-caetera ; sa renommée se répand dans les salons de l’aristocratie.

Pendant quinze ans, il va ainsi régulièrement s’efforcer de faire la preuve de ses dons présumés, déclenchant polémiques et fascination. Alexis est une sorte de héros balzacien. Il incarne une figure nouvelle : celle du « héros magnétique ». Il se croit investi d’une mission et veut prouver par des moyens expérimentaux l’immortalité de l’âme. Il se dépense tant dans cette tâche qu’il y ruine sa santé fragile, se retirant à l’âge de trente ans. Paradoxalement, le plus célèbre des voyants du 19ème siècle n’avait jamais fait l’objet d’une étude approfondie, malgré la vogue actuelle d’ouvrages sur la voyance.

Commentaires

“On appreciera le vivant du récit, la vaste érudition de l'auteur mise au service de sa rigueur et de son honnêteté lors du “passage au crible”” “Celles et ceux qui connaissent déja B. Meheust ne seront pas surpris en constatant que ce livre, qui se lit donc comme un roman, est surtout une oeuvre de philosophe.”(Yves Lignon)


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